Dépaysage(s) : une lecture
Lire Dépaysage(s) c’est accepter de pénétrer dans une langue singulière et d’y perdre son souffle et son chemin. C’est se confier à cette translation intérieure.
Marie Tavera nous saisit dans une adresse détournée. Elle nous emmène loin, par le prisme de son regard, la sensualité d’une expression dénudée, l’ampleur féconde des images convoquées. Loin. Jusque là – un paysage décomposé d’arbres, de terre, de glaise.
Un sous-bois où les hautes futaies encombrent le ciel.
Où l’odeur de l’humus submerge et pourtant reste insaisissable.
Où le pas s’alourdit dans la boue d’un sentier intraçable.
Où le vent lève les senteurs d’une pluie légère qui s’approche, s’égare et s’éloigne déjà.
Où le pied bute sur les racines ligneuses, veines fouillant profond entre les cailloux et dans le ventre.
C‘est aussi l’équilibre glissant sur les pierres d’une draille. L’équilibre qui échappe aux mots.
L’écriture de Marie Tavera se tient à la marge, dans cet aplomb intranquille.
Entre deux sillons couchés, un je ne sais quoi pointe sous le soleil doux et mouillé d’automne. La mémoire et le temps se faufilent entre les arbres, le silence infuse en suspensions sur la page, les répétitions - cercles concentriques sur l’eau - deviennent questionnement.
Et la lumière est partout, qui se musse dans les méandres de la sylve jusqu’à arriver là, au point précis où la langue chavire.
Lire Dépaysage(s) c’est s’abandonner à la rencontre avec ce chavirement.
Élisabeth Vitielli
Poble Nou del Delta, septembre 2024